Cette réflexion sur l’éthique et l’humilité nous est partagée par Judith Nahum, travailleuse sociale. Vous pouvez retrouver l’article original sur son blog. Merci Judith !
«Comme un fil d’Ariane…»
Comme un fil d’Ariane, la question de l’éthique et la remise au travail de celle-ci, m’accompagne au quotidien et dans toutes mes activités de travailleur du lien.
Il y a peu de temps, j’ai quitté un poste dans une structure prenant un virage qui ne me convenait pas. J’ai fait un choix, celui de mes valeurs et d’une éthique professionnelle.
Je savais ce que je laissais ; des années de travail et de construction au sein d’une équipe que j’estimais. Un chemin parcouru tant personnellement que professionnellement. Des rencontres qui font déconstruire ses aprioris, et qui font bouger les lignes.
Malgré cela, les derniers mouvements institutionnels m’ont fait faire le choix de quitter ce lieu qui perdait du sens, dans lequel je ne voulais pas perdre mon essence.
Je suis partie en étant sure de mon choix, mais avec la tristesse d’y laisser des personnes qui m’ont fait grandir et avec qui j’ai aimé co-construire. Tout cela enrobé d’une certaine culpabilité et la peur de ne pas avoir fait mon maximum.
«Je crois que ce maximum était atteint lorsque j’ai compris que je pouvais m’abimer et que j’étais face à des décisions qui me dépassaient largement.»
Le cri du coeur
Aujourd’hui, alors que je n’ai quasiment plus de contact ni avec les salariés, ni avec les bénévoles, j’entends le cri du cœur d’une mère qui ne se sent plus accueillie.
Là où durant des années, elle s’était sentie suffisamment en sécurité et reconnue, elle se trouve désormais en face de professionnels qui ne lui parlent que des droits qu’elle n’a pas.
Cet échange m’attriste et alors que je ne travaille plus là, une indignation monte en moi contre ces professionnels qui se sentent supérieurs aux personnes accueillies.
Ceux qui pensent qu’une hiérarchie se forme face à la vulnérabilité et que leurs diplômes leur confèrent une belle place au soleil.
Ceux qui prennent des décisions à la place des autres, car l’Autre est « dans le besoin ».
Ceux pour qui écraser un peu plus une personne en situation de vulnérabilité, leur permet de se sentir fort et puissant.
C’est dans ces instants que je trouve tout son sens aux échanges entre professionnels du lien, aux temps collectifs de réflexion, à la responsabilité de nos transmissions.
Qui est où ?
Les diplômes font-ils la qualité du travailleur de lien ? Donnent-ils accès à la compréhension des complexités des situations ?
Permettent-ils d’aborder avec humilité l’Humain ?
Et finalement qui accueille qui ? Est-ce qu’il n’y aurait pas une notion de mutualisation dans cet espace de rencontre ? Un peu de toi, un peu de moi.
Est-ce que la personne accueillie ne sera cantonnée « qu’en face » du pro dans une relation d’aide ? Ou son expérience et son être permettront d’œuvrer ensemble ? Ne vaut-il pas mieux que chacun garde bien sa place et que le pro conserve son sentiment gratifiant d’utilité ?
Tout cela me donne une furieuse envie de réinventer, d’innover, de casser ces systèmes d’accueil si maltraitants et si banalisés. De proposer en centre de formation d’étudier ces projets innovants qui peuvent permettre un autre prisme de réflexion.
C’est cette énergie qui déborde et qui s’aborde sur Liinkeduc. Afin de vouloir faire bouger les choses, pour rassembler ceux qui veulent transformer leur indignation en moteur de création : professionnels, bénévoles, pair-aidants, étudiants, citoyens et tous ceux dont l’esprit ne veut pas être enfermé.
Si vous vous reconnaissez dans cet article , c’est que nous avons des points communs alors partageons-les.
Prenons soin des liens!
À propos de l’auteure
Judith Nahum
Éducatrice de jeunes enfants de formation, j’ai participé activement à la réflexion et l’élaboration de l’accueil de familles en situation de grande exclusion et parfois d’exil. Mes recherches et l’évolution de mes réflexions tendent à affiner au maximum cette question de l’accueil et de l’accompagnement pour ces familles, tant dans l’idée d’Etre dans l’instant ce qu’elles vivent, mais également car une forme de prévention peut être travaillée quand à l’insertion de celles ci. Travailler avec l’humanité et accompagner ceux et celles qui sont l’avenir de celle ci est devenue une véritable passion et recherche infinie.
Vous pouvez retrouver l’article original sur son blog.