L’intimidation en milieu de travail peut arriver à tout le monde et dans tous les milieux de travail.
À première vue, nous pourrions penser que les professionnels de la santé et les intervenants de la relation d’aide sont immunisés.
Comment une personne qui dédie sa vie à aider les autres pourrait en intimider une autre ?
Aussi incohérent que cela puisse paraître, beaucoup d’intervenants ont déjà vécu de l’intimidation de la part d’autres collègues ou de leurs supérieurs. Cette problématique doit cesser.
- C'est quoi, l'intimidation en milieu de travail ?
- Statistiques
- Pourquoi l'intimidation en milieu de travail est si pénible ?
- Portrait typique de l'intimidateur en milieu de travail
- 5 conseils pour régler une situation d'intimidation
- N'oubliez pas : Un intimidateur est une personne qui souffre
- À propos de l'auteur
C’est quoi, l’intimidation en milieu de travail ?
L’intimidation, ce sont des propos, des gestes, des attitudes ou des comportements offensants et inappropriés qui blessent, humilient, rabaissent ou excluent socialement une personne.
L’intimidation en milieu de travail peut arriver de la part d’un client, d’un collègue, d’un supérieur ou d’une autre personne dans l’organisation (ex: un parent, un employé).
Trois caractéristiques de l’intimidation en milieu de travail
Selon une récente étude sur le sujet (Nielson, 2018), il existe trois caractéristiques particulières à l’intimidation en milieu de travail.
Premièrement, elle se produit lorsqu’un employé devient la cible de comportements sociaux systématiquement négatifs et indésirables sur le lieu de travail. La personne commence à craindre l’intimidation et les interactions avec l’intimidateur.
Deuxièmement, l’exposition se produit sur une longue période.
Troisièmement, la personne intimidée a le sentiment de ne pas pouvoir facilement échapper à la situation, ni l’arrêter. Le sentiment d’être pris au piège s’installe.
Statistiques
Voici quelques statistiques intéressantes sur l’intimidation au travail tirées de Statistique Canada.
- 19 % des femmes et 13 % des hommes ont déclaré avoir été victimes de harcèlement dans leur milieu de travail
- Les insultes verbales sont la forme la plus courante d’intimidation, suivi des comportements humiliants.
- Les travailleurs du secteur de la santé ont été les plus susceptibles de déclarer avoir été harcelés au travail, particulièrement les femmes.
Selon le plus récent rapport de Statistique Canada, en milieu de travail, l’intimidation (ou harcèlement), est faite, par ordre de fréquence, par les:
- Clients
- Supérieurs
- Collègues de travail
- Autres personnes dans l’organisation
Dans certains métiers, l’intimidation en milieu de travail est particulièrement présente.
Selon la même étude, les professionnels de la santé, des services sociaux, les enseignants et les gestionnaires sont les principales victimes d’intimidation.
Pourquoi l’intimidation en milieu de travail est si pénible ?
L’intimidation n’arrive pas seulement aux enfants et aux adolescents.
En effet, les adultes aussi vivent de l’intimidation et celle-ci peut nuire à leur bien-être et à leur santé psychologique.
Pourquoi l’intimidation en milieu de travail, particulièrement entre collègues ou supérieurs-employés est aussi difficile à vivre ?
1. L’intimidation « subtile »
D’abord, l’intimidation en milieu de travail n’est pas toujours facile à identifier au premier regard.
En effet, en milieu de travail et chez les adultes, l’intimidation prend souvent une forme subtile, ambiguë, voire insidieuse.
Autrement dit, en apparence, un comportement d’intimidation peut sembler banal, mais avoir une réelle gravité pour la victime.
Pour illustrer cette idée, prenons l’exemple de l’intimidation chez les enfants.
Souvent, ceux-ci utilisent une forme directe et claire d’intimidation, comme une insulte flagrante (« tu es laid»). Peu importe qui regarde la situation, nous pouvons souvent conclure que le comportement est intimidant.
En revanche, les adultes et aussi les «professionnels», connaissent très bien les règles sociales et leurs conséquences.
Lorsque l’intimidation survient entre collègues ou entre un supérieur et l’employé, elle est souvent plus discrète que «flagrante».
Cette forme d’intimidation est particulièrement vicieuse et complexe pour les professionnels qui la subissent.
Par exemple, l’intimidateur vous dira qu’il « n’aime pas votre parfum ».
Ainsi, de manière isolée, il peut être acceptable de soulever un problème d’hygiène personnelle chez quelqu’un. Cependant, devant votre groupe de collègues pendant le midi, alors que vous tentez de vous intégrer au groupe, ce n’est pas adéquat.
Bref, l’intimidation « subtile » peut prendre la forme de paroles ou de gestes qui, isolément, apparaissent comme adéquats. Cependant, pour la personne qui les reçoit, les gestes sont inadéquats et blessants.
2. Se faire une place parmi l’équipe.
Personne ne souhaite vivre de l’intimidation. Tous les êtres humains méritent de se sentir bien dans leur équipe de travail.
Ainsi, l’intimidation au travail est particulièrement pénible lorsqu’on désire se faire une place dans l’équipe.
Les personnes qui souhaitent nouer des relations positives avec les collègues et se sentir compétentes au travail peuvent vivre très difficilement l’intimidation.
N’oublions pas que nous passons la majorité de notre journée au travail et qu’une situation d’intimidation peut rendre le quotidien très lourd et stressant.
Portrait typique de l’intimidateur en milieu de travail
Il existe certaines caractéristiques chez les adultes intimidateurs qui les rendent plus propices à intimider les autres. Reconnaissez-vous certaines de ses caractéristiques ?
Rancunier s’il est humilié
Pour toute situation qui gênerait son estime, l’intimidateur ne laissera pas passer une atteinte à son image.
Si, même involontairement, vous attaquez son sentiment de compétence, l’intimidateur trouvera un moyen de vous rendre l’appareil. Pour lui, ce n’est pas grave si votre intention était bonne, le pardon n’est pas chose facile.
Aime décider et avoir du contrôle
Le sentiment de perdre du pouvoir fait très mal aux intimidateurs. Ils ciblent ceux qui représentent une menace à leur routine, à leur quotidien ou leur pouvoir de décision.
Souvent, l’intimidation est le meilleur moyen qu’ils connaissent pour reprendre le contrôle. Cela a probablement fonctionné avant vous, il utilise seulement ses bons vieux trucs.
Manque de tact
Pour l’intimidateur, son comportement est tout à fait normal. Pour lui, il n’y a pas d’intimidation, il n’y a que de la franchise. Cependant, son manque de tact et sa «franchise» sont blessants pour les autres.
N’accepte pas la critique
Avec eux, il faut porter des gants blancs. Rejeter sur eux le blâme, leur faire porter une partie de la responsabilité d’un résultat négatif, c’est non. Par contre, il peut ironiquement se « considérer comme étant très ouvert à la critique ».
Fidèle envers les personnes qu’il estime, il manque d’empathie pour les autres
L’intimidateur à « sa gang » qu’il aime et qu’il défend. Vous en faites partie ou non.
Attention cependant, ce n’est pas parce qu’il a « sa gang » que les gens qui en font partie sont d’accord avec l’intimidateur.
Souvent, les gens de « sa gang » sont des personnes qui ne s’affirment pas haut et fort. Ils ont aussi appris qu’il est souvent plus facile (d’un point de vue efforts) d’être du côté de l’intimidateur.
Le mouton noir du groupe
En discutant avec les autres, vous découvrirez peut-être que vous n’êtes pas le seul à avoir vécu des désagréments en lien avec cette personne.
Dans une équipe, l’intimidateur peut contribuer à un climat négatif et alimenter la colère des autres contre l’organisation et leur traitement «injuste». Il est souvent décrit secrètement comme un « leader » négatif.
*Ces caractéristiques reflètent les recherches et les observations de l’auteur sur les caractéristiques possibles de l’intimidateur. Évidemment, il existe d’autres profils d’intimidateurs.
5 conseils pour régler une situation d’intimidation
1. Nommez que le comportement ne vous plait pas
Le plus rapidement possible. C’est certainement l’étape la plus difficile du processus. Elle est aussi cruciale. Une première intimidation réussie laisse la porte ouverte pour la suite.
Préparez votre phrase à l’avance si c’est difficile pour vous. Votre phrase pourrait être « Ton commentaire me rend mal à l’aise, j’aimerais que tu arrêtes. ». Soyez franc et entier.
Parlez au «je» sans accuser l’autre. Comme cela, il ne pourra pas répliquer davantage ou vous accuser d’être incorrect.
2. Écrivez TOUT
Immédiatement après l’évènement et sans attendre.
Notez tout. Comme dans une scène de théâtre. La date, l’heure, les personnes présentes, le lieu et les échanges de paroles, mots pour mots.
Vous connaissez le dicton « les paroles s’envolent, mais les écrits restent » ? Ainsi, ce que vous aurez écrit sera un atout majeur pour vous protéger et pour faire valoir votre parole au besoin.
Aussi, vous pouvez demander à ce que votre résumé se retrouve au dossier de la personne. Ce faisant, vous donner un coup de main pour protéger les prochaines victimes (parce qu’il y en aura probablement).
3. Allez voir votre supérieur immédiat
Si l’étape 1 n’a pas donné de résultats satisfaisants, c’est à votre supérieur de vous aider. C’est son travail, que cela lui plaise ou non.
Incapable de faire l’étape 1 ? Pas de stress. Nous avons tous des forces et des faiblesses. Pour certaines personnes et dans certains contextes, il est difficile de confronter l’intimidateur et de mettre ses limites.
Ce n’est pas une faiblesse que de trouver la confrontation difficile. Parlez à votre supérieur de votre malaise à nommer les choses, il pourra vous aider à le faire.
Si votre supérieur vous intimide, contactez son supérieur à lui. Il y a toujours une personne plus haute qui peut vous aider.
Si l’intimidateur fait partie d’un ordre professionnel, ils peuvent également vous aider. Sinon, adressez-vous à votre syndicat.
4. Parlez-en aux bonnes personnes
Parlez-en aux personnes proches de vous à qui vous vous confiez normalement. Ce sont les meilleures personnes pour vous apporter du support moral et des conseils.
Ne tombez pas dans le panneau de parler de l’intimidateur à son insu pour rallier vos collègues. Il peut être tentant de trouver d’autres collègues pour valider sa version de l’histoire et mettre un baume sur l’estime.
Cependant, en parlant des mauvais coups de l’intimidateur, vous faites vous-mêmes usage d’une forme d’intimidation.
En effet, vous risquez de nuire aux relations de cette personne avec ses collègues et de l’isoler. N’oubliez pas qu’isoler une personne, c’est aussi une forme d’intimidation. Vous ne ferez pas de bien à votre image et à vos relations.
5. Voyez le positif.
Même si l’intimidation est une expérience très désagréable, on peut aussi le voir comme une opportunité de grandir.
Les situations adverses nous font vivre des émotions inconfortables. Cependant, elles nous permettent aussi d’en apprendre plus sur nous-mêmes.
À la lumière de cet évènement, quelles sont vos forces et vos faiblesses ? Qu’est-ce que vous pourriez améliorer la prochaine fois ? Qu’avez-vous appris ?
En ayant un regard plus externe sur la situation et en tentant de voir le positif, il est plus facile de traverser une situation difficile.
Le paragraphe suivant a été notre meilleur outil pour voir le positif.
N’oubliez pas : Un intimidateur est une personne qui souffre
Enfin, dans une situation d’intimidation, il est bon de se rappeler la pensée suivante :
Un intimidateur est une personne qui souffre.
Il n’y a rien d’enviable dans cette situation.
Lorsque la meilleure solution qu’il reste à une personne est d’en intimider une autre, imaginez comment l’intimidateur est démuni.
Les intimidateurs ont souvent eux aussi été intimidés. Ils n’ont peut-être pas eu l’opportunité d’être aimés et d’avoir de saines relations comme vous. Ils utilisent la meilleure solution qu’ils ont dans leur poche pour affronter les défis.
Jusqu’à ce qu’ils trouvent d’autres solutions pour résoudre leurs conflits internes, les intimidateurs seront toujours coincés dans des relations négatives.
Autrement dit: les victimes d’intimidation subissent la souffrance des intimidateurs. Pas parce qu’ils le méritaient, mais parce qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment avec la mauvaise personne.
Nous pouvons alors nous demander : pourquoi cette personne intimide les autres ? Faible estime, sentiment d’échec et de perte de contrôle ?
En y réfléchissant bien, je suis certaine que l’explication apportera une réponse rassurante dans la situation.
Bien sûr, la souffrance de l’intimidateur n’excuse pas son geste. Mais développer de l’empathie pour lui est une grande force qui peut alléger notre propre souffrance. N’oubliez pas que chaque être humain est unique et mérite sa place dans notre monde.
Références:
- Gouvernement du Québec (2020). Intimidation. Repéré ici
- Nielsen et Einarsen (2018). What we know, what we do not know, and what we should and could have known about workplace bullying: An overview of the literature and agenda for future research. Elsevier, Vol.42 , p 71-83
- Einarsen (2020). Bullying and Harassment in the Workplace: Theory, Research and Practice. CRC Press.